MAMAN S'IL TE PLAÎT, JOUE À MON JEU
Le temps file et à part quelques trucs formels, les enfants passent
beaucoup de temps à jouer quand ils ne sont pas de sortie. D'ailleurs,
je ne sais pas si c'est pareil dans toutes les familles mais je crois
que si c'était possible, il nous faudrait des double-semaines pour
pouvoir, dans un même laps de temps passer tout notre temps par monts
et par vaux et passer tout notre temps à la maison (pour
prendre le temps de faire tout ce dont nous avons envie tout en ne
faisant rien, pour passer du temps ensemble et ne rien faire d'autre
qu'à nous dire ce qui nous tient à cœur, à tenir toutes les
conversations en attente etc.).
LTTC1 bouquine, écoute une quantité hallucinante d'histoires sur CD,
retient je ne sais combien de stations de métro sur un trajet qui
traverse toute la ville, s'entraîne à faire ses premières bulles de
chewing-gum - c'est une activité qui nous vaut de nombreuses crises
d'hilarité -, regarde des documentaires, participe de plus en plus à la
vie de la maison, fait des projets, joue à toutes sortes de jeux sur le
net.
LTTC2 a décidé que ce serait toujours lui qui couperait les patates
lorsque nous en cuisinons, trace des X sur le sable des squares, fait
sa sélection de livres à lire avant de s'endormir, exploite toutes les
situations possibles et imaginables pour compter (les doigts, les
fruits, les stations de métro, les pièces de monnaies, les chewing-gum
pour lesquels ils nourrit une passion en ce moment, les jours de la
semaine, tout y passe), se repère dans le temps par rapport aux
nombreuses activités et aux jours de présence de son papa, suit les
lettres avec le doigt, se demande pourquoi il y a quatre manières
d'écrire une même lettre (les majuscules et minuscules en script, les
majuscules et minuscules en cursive), repère les fantaisies d'écriture
comme des lettres mal tracées, sait faire la différence entre l'anglais
et une langue inventée, a un sens de l'observation redoutable (sur un
trajet de vingt stations de métro, il sait exactement à quel moment
nous sommes à l'air libre et à quel moment nous ne le serons plus),
n'oublie jamais une chose décidée (tu auras l'ordinateur à tel moment
de la journée et autres), sait écrire un mot si on le lui épelle. J'en
oublie (je devrais peut-être noter tout ça plus régulièrement). On a
souvent le sentiment qu'il ne fait rien de spécial alors que ça
bouillonne à l'intérieur.
Ce qui prédomine depuis quelques temps lorsque nous sommes à la maison
c'est que LTTC1 est fou de joie de constater que LTTC2 a besoin de lui
pour utiliser les jeux sur internet. Il s'y prend de mieux en mieux,
connaît tous les goûts de son petit frère, évalue avec une facilité
déconcertante ce qu'il sera capable de faire ou pas, lui explique les
choses avec des mots amusants, fait des analogies avec des situations
de jeux connues d'eux seuls. LTTC2 a l'air de beaucoup apprécier.
Chacun semble trouver son compte. L'aîné transmet ce qu'il sait, le
cadet progresse. Quand LTTC1 joue à son tour, LTTC2 s'installe sur une
chaise à côté de lui et observe longuement, très longuement. C'est
quelque chose qui me surprend à chaque fois. Jamais je ne les dérange
quand ils sont en train de jouer et de discuter d'ailleurs ils sont
tellement concentrés qu'ils ne nous entendent même pas si, n'ayant pas
vu qu'ils étaient occupés, on leur pose ou question ou autre.
Ce soir, avant d'aller se coucher, LTTC1 a lourdement insisté pour que
je joue à un jeu qu'il a trouvé récemment et qui lui plaît beaucoup. Ce
n'est pas son genre d'agir de cette manière. J'avais beau lui dire que
je le ferai, il insistait encore. J'ai donc cliqué sur le lien et très
rapidement, j'ai dû laisser tomber. Comme il s'était relevé pour aller
aux toilettes, j'en ai profité pour lui annoncer que je ne savais pas
comment continuer et c'était ce qu'il attendait. Il voulait qu'un
adulte ait besoin de lui ! Je lui ai donc donné l'occasion d'endosser
le rôle qu'il aime, celui de la transmission.
Je dis souvent que ce que j'aime dans notre manière de vivre, c'est que nous apprenons tous les uns des autres. J'en connais un qui a bien saisi le message et qui aime autant apprendre des autres qu'apprendre aux autres.